En avril, Alexander Georgiev a remporté le titre de champion de Russie. Selon les statistiques fournies par Toernooibase, c’était la treizième fois qu’il réalisait cet exploit. En 1995, Georgiev était parvenu pour la première fois à devancer la concurrence dans ce qui est traditionnellement le championnat national de dames le plus fort au monde.
Plusieurs anciens vainqueurs manquaient à l’appel lors de l’édition 2023. Alexander Shvartsman, qui vit aujourd’hui aux Pays-Bas, n’a pas participé pour des raisons compréhensibles. Alexeï Tchijov a lui aussi fait l’impasse sur le tournoi. D’autres joueurs tels qu’Ivan Trofimov, Vladimir et Maksim Milshin, ou encore Ainur Shaibakov — tous anciens champions — n’étaient pas présents non plus. Le grand maître Murodullo Amrillaev, vice-champion du monde en 2011, n’était pas présent non plus au départ.
Le championnat récent ne s’annonçait donc pas particulièrement palpitant. Dès la première ronde, le futur vainqueur s’impose nettement face à Alexander Ldokov. Au cours des sept rondes suivantes, il trouvera encore quatre fois le chemin de la victoire.
Bien qu’au moment d’écrire ces lignes seules quatre parties de ce tournoi (toutes jouées par Georgiev) figurent dans Toernooibase, j’ose avancer que son duel contre Nikolaï Goulyaev représente non seulement sa plus belle performance sportive, mais aussi sa plus grande prouesse créative. C’est donc avec raison que cette analyse mettra pleinement en lumière cette rencontre.
La partie date de la cinquième ronde. Jusqu’à la quatrième, les deux joueurs pouvaient se targuer de beaux scores. Georgiev menait avec 7 points sur 4, tandis que Goulyaev suivait à un point, à égalité avec Alexander Getmanski. Après ses victoires en rondes cinq et six, Georgiev creuse un écart de trois points, un avantage qu’il ne laissera plus fondre.
La septième ronde n’en demeure pas moins très tendue, car le solide et offensif tenant du titre, Sergey Belosheev, obtient une excellente chance de gain contre Georgiev. En ne la convertissant pas et en se contentant du nul, il permet au joueur d’Oufa d’être couronné champion une ronde avant la fin.
À respectable distance, cinq joueurs terminent avec dix points, parmi lesquels Goulyaev. Les critères additionnels départagent toutefois Getmanski et Belosheev, respectivement deuxième et troisième.
Avant d’entrer dans le contenu de la partie Georgiev–Goulyaev, quelques mots sur le joueur des noirs. Ce Russe de 33 ans est un damiste solide, comme en témoigne son classement FMJD de 2311. Il a obtenu son premier succès marquant en 2007 en remportant le championnat du monde junior. De grands résultats se sont ensuite fait rares, à l’exception notable de son titre de champion de Russie 2018. Fin 2021, Goulyaev s’était également distingué en gagnant le Polish Open Julinek Park, devant notamment ses compatriotes Alexander Getmanski et Marsel Sharafutdinov.
Le tournoi disputé en avril constituait la dixième rencontre entre Georgiev et Goulyaev d’après Turbo Dambase — sans compter les parties rapides et blitz. Sur les neuf premiers affrontements, Georgiev avait remporté deux victoires (au championnat de Russie 2010 et 2012). Les autres duels s’étaient tous soldés par un partage du point.
La partie Georgiev–Goulyaev 2023 se caractérise d’abord par la volonté des noirs de maintenir une distance prudente avec leur grand adversaire. Le troisième coup noir est révélateur de sa stratégie, et son douzième coup est carrément passif. Néanmoins — ou plutôt grâce à cette attitude trop prudente — Georgiev obtient rapidement un jeu prometteur. Par des échanges subtils, il fragilise l’aile longue des noirs et travaille à une encerclement du centre noir — tout en gardant à tout moment la possibilité de transposer vers un classique favorable.
Après une transition surprenante vers un schéma semi-classique ouvert (25.38-32), les noirs doivent jouer avec précision. Comme Goulyaev ne trouve pas toujours la meilleure réponse, il se retrouve en difficulté. Dans un duel tactique avec sacrifices temporaires de part et d’autre, l’ancien champion de Russie commet l’erreur décisive. Grâce à un magnifique double sacrifice (40.26-21, 41.27-22 et 42.29-23), Georgiev le place devant des problèmes insurmontables.
Le joueur des noirs parvient encore à atteindre une fin thématique, mais Georgiev la convertit sans la moindre faille.
La traduction complète de la partie elle-même sera publiée ultérieurement. Pour l’instant, la version anglaise reste disponible.