Le très renommé Ton Sijbrands dit quelque part qu’une passion insensée pour le jeu de dames international l’anime et l’occupe au plus haut point depuis l’âge de sept ans. C’est une passion semblable, aussi intense — voire plus —, qui m’a conduit dans des périples damistes à travers les grands pays africains connus pour l’excellence de leurs joueurs : le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et, en dernier lieu, le Gabon.
C’est ainsi qu’en 2018, je me suis retrouvé au Sénégal, après un périple en Côte d’Ivoire — à Abidjan notamment — et dans d’autres villes, auprès de joueurs de dames spécialisés dans le jeu d’argent, c’est-à-dire la mise. À Dakar, j’ai pu faire connaissance avec plusieurs grands noms du jeu de dames international dans ce pays : feu Ndiaga Samb, Abdoulaye Der, tous deux GMI, le Maître international Modou Seck, ainsi que Ibrahima Gaye et Maguette Niang. Pour la petite histoire, c’est après avoir croisé le fer avec les damistes maliens — le Mali de GMI Mamina Ndiaye est aussi un grand pays de jeu de dames — et ivoiriens, que la Confédération africaine de jeu de dames (CAJD) m’a invité à prendre part au Championnat d’Afrique individuel seniors, afin de contribuer au relèvement du niveau du jeu de dames africain. Auparavant, comme indiqué plus haut, la Côte d’Ivoire m’avait pris en charge via le club K.J.K.S., sous la direction du président Abalo Koffi.
Voyages et compétitions africaines
Après avoir disputé le Championnat d’Afrique 2018 à Thiès — à 70 km de la capitale sénégalaise, Dakar —, j’ai effectué un autre voyage vers mon Afrique centrale, plus précisément au Cameroun, avec toujours le même objectif : me mesurer aux meilleurs damistes du pays. Ces différents voyages à travers l’Afrique, ainsi que mes contacts avec la CAJD, ont permis de faire connaître mon pays, le Congo-Brazzaville. Ils ont surtout montré qu’il existait une pléthore de joueurs congolais encore inconnus sur la scène internationale, mais prêts à prouver leur valeur dès leur première sortie officielle.
Notre premier test grandeur nature fut le suivant : en 2021, le Congo-Brazzaville fut invité à prendre part à la Coupe des Nations au Cameroun. À la grande surprise générale, nous avons occupé la 3ᵉ place de la compétition. Un signal ou un avertissement ? En tout cas, notre équipe était composée de : Itoua Tardorel, Mouanda César, Manzambi Bledy et Kanda Massamouna Gamael. Trois ans plus tard survint la première consécration : le Congo-Brazzaville remporta le Championnat d’Afrique individuel à Ouagadougou, au Burkina Faso. Cerise sur le gâteau, le vice-champion d’Afrique était lui aussi congolais : César Mouanda. Notre pays signait ainsi, de manière définitive, son entrée dans le concert des grandes nations africaines du jeu de dames international. Comme si les événements étaient liés entre eux.
Le Mémorial Ndiaga Samb
C’est à la suite de cette consécration comme Champion d’Afrique — et ce, malgré un échec au Mondial de Yaoundé en 2025 — que j’ai été spécialement invité par le promoteur et mécène Mamadou Tamsir Barry à participer à la toute première édition du Mémorial Ndiaga Samb. La compétition a réuni cinq Grands Maîtres internationaux, un Maître international et un Maître fédéral, ainsi que d’autres joueurs expérimentés, bien que sans titre officiel. Le Sénégal, pays pionnier du jeu de dames international en Afrique francophone, regorge toujours de très bons damistes tels que Ibrahima Gaye, Maguette Niang et Abdoul Khadre Monteiro. Le Maître fédéral Demba Coly Thiam est un bon joueur et un excellent théoricien, mais il joue parfois trop vite, commettant des erreurs faute de prendre le temps nécessaire pour calculer.
L’organisation fut remarquable, la nourriture excellente, et les conditions d’hébergement largement au-delà de nos attentes : tout le confort était réuni pour une récupération et une concentration optimales. Bravo, une fois encore, à l’expert-comptable et président de la Fédération sénégalaise, Mamadou Tamsir Barry, ainsi qu’à toute l’équipe qui l’a soutenu dans cette tâche ardue, compte tenu des exigences propres aux damistes.
Le tournoi s’est tenu à Rufisque, ville natale de feu Ndiaga Samb, située à 24 kilomètres de Dakar. L’accueil y fut exceptionnel, digne de héros, fidèle à la réputation du Sénégal comme pays de la Teranga — mot wolof signifiant hospitalité. Mille fois merci au président de la FSJD, M. Mamadou Tamsir Barry, à mon sponsor et président M. Kevin Gotene, ainsi qu’à mon coach, que je surnomme affectueusement “Prof” Souleymane Keita, Maître international FMJD.
Préparation et succès
Après l’échec au Mondial 2025 à Yaoundé, j’étais déterminé à réparer les choses. Je suis donc allé au Sénégal avec un esprit revanchard et, surtout, la ferme volonté de décrocher une nouvelle médaille d’or afin de mieux me faire connaître sur la scène damiste mondiale. Je me suis donné les moyens nécessaires, mettant toutes les chances de mon côté : il n’y a pas de secret, seulement une excellente préparation en amont. Au final, cette préparation fut peut-être quelque peu excessive, au regard de mes résultats, notamment en comparaison avec ceux de mes collègues GMI engagés dans le même tournoi.
Ma stratégie était limpide : ne perdre aucune partie, pas même contre un GMI, puis maximiser les points face aux joueurs sénégalais. Le plan s’est avéré payant : six victoires et deux parties nulles contre les joueurs du Sénégal, et même une belle victoire classique contre un maître du genre, le GMI Bassirou Ba. Selon lui, Gantwarg avait battu Andreiko avec la même idée en 1974. Il perdit ainsi, par excès de fatigue, sur une idée qu’il connaissait pourtant depuis plus de quarante ans — l’une des curiosités de notre jeu de dames international.
Je ne saurais passer sous silence l’émotion qui étreignait les joueurs. Avant chaque partie, une minute de silence était observée à la mémoire de Ndiaga Samb, et nous avions tous le sentiment qu’il nous observait, de là-haut. Cela créa un climat à la fois empreint de tristesse et de joie. Chacun rivalisait alors pour lui témoigner son affection en donnant le meilleur de lui-même sur le damier.
Je vous propose maintenant de revenir sur quelques moments essentiels ayant conduit à ma victoire finale. Laissons parler les diagrammes.
Sélection
Itoua – Niang Mame Saïd (1re ronde)
Niang Maguette - Itoua (5e ronde)
Ba - Itoua (7e ronde) (ci-dessous)